Isabelle SERRO – Reporter Photographe
Reporter photographe basée en France, Isabelle SERRO est membre du Collectif Divergence Images. Elle s’appuie sur une expérience professionnelle de 15 années sur des sites géographiques dits sensibles à travers le monde.C’est le plus souvent en dehors de sa zone de confort qu’elle trouve avec un regard humaniste la profondeur de ses travaux.Ses capacités rapides d’adaptation et sa curiosité font qu’elle cherche à mettre en lumière les aspects positifs et enrichissants des situations parfois les plus complexes. Cette démarche l’a emmenée jusqu’en Amazonie en 2009 auprès des indiens Yanomami avec qui elle a vécu plusieurs mois. A son retour, elle débute une collaboration avec l’agence SIPA et réalise différents reportages ethniques, de société, d’actualité toujours avec cette même quête de la découverte et du partage.
Ses travaux sont publiés dans Le Figaro Magazine, Le Monde, Marie Claire, Le Point, Le Parisien Magazine, L’Humanité, La Vie, La Croix, La Revue 6 mois, Chasseur d’Images, Carnet d’art, The Guardian, le magazine XSemanal ou le journal ABC en Espagne ou encore la Revue Ñ du groupe Clarin en Argentine, Euronews, CNN… Après avoir reçu différents prix et récompenses en France et à l’étranger, c’est en mars 2016 qu’elle est la lauréate du Grand Prix Leica dans la catégorie Humaniste avec un travail sur les Peshmerga et son reportage sur les femmes réfugiées est primé par l’agence des Photographes Professionnels.
Après deux années de travail et de recherches, début 2016, elle construit un outil de sensibilisation « Crise Humanitaire, crise d’humanité » autour des personnes ayant pris le chemin de l’exil et en 2018 elle réalise un film documentaire « Passeurs d’Humanité ».Depuis 2018, elle travaille principalement sur le continent africain sur les questions liées au manque d’eau potable et à leur aux conséquences comme le Choléra.
Elle est lauréate des Photographies de l’année en 2019.
Génération Tanganyika
par Isabelle Serro
Reportage réalisé entre Mai 2018 et décembre 2019
Avec ses 677 kms, le Tanganyika est le plus long lac d’eau douce du monde mais c’est aussi le deuxième lac africain par sa superficie équivalente à celle de la Belgique.
Connu pour sa biodiversité et ses centaines d’espèces qu’on ne trouve que dans ce lac et nulle part ailleurs, on estime que sa formation remonte à plus de 20 millions d’années.
A Uvira, ville de 467 000 habitants, dans le Sud Kivu, en République Démocratique du Congo, les réseaux d’adduction en eau étant quasi-inexistants, le Tanganyika est de fait la première source d’eau utilisée par la population.
Toute la journée, une activité humaine intense et variée fourmille sur ses rives. Les enfants s’y retrouvent pour jouer, se baigner, rêver mais aussi pour effectuer les corvées quotidiennes d’eau avant ou après l’école.
Chaque jour, ce sont des centaines de femmes, d’hommes qui y remplissent leurs bidons d’une eau destinée aux tâches ménagères mais aussi à la consommation, faute d’accès à une source potable.
À contempler les pêcheurs revenir de leurs sorties nocturnes sur les rives du lac Tanganyika, les ménagères lessivant leurs vaisselles ou leurs vêtements, les enfants plongeant la tête la première, il est tentant de penser que cette immense
étendue d’eau de 32 900 km² est calme, inaltérable et inoffensive.
Mais le Tanganyika, qui côtoie également les frontières de la Zambie, du Burundi et de la Tanzanie étouffe sous les effets du réchauffement climatique. Un désastre car à lui seul, il représente près de 20 % des ressources d’eau douce
du monde. On s’y lave, on y lessive, on y fait la vaisselle et, par manque de latrines individuelles ou collectives, on reconvertit ses berges en toilettes. Sous ses eaux turquoises, un véritable bouillon de culture se multiplie avec les effets du réchauffement climatique et l’augmentation des activités humaines. Une véritable aubaine pour la bactérie responsable du choléra qui y prospère à foison , provoquant des épidémies meurtrières chaque année.
Bien qu’une très large sensibilisation soit réalisée par les organismes humanitaires, beaucoup ne croient toujours pas à l’existence du choléra, dénonçant le mauvais sort, et lorsqu’ils y croient ils s’en remettent au destin.
L’insouciance au bord du Tanganyika aurait pu s’arrêter là, les rêves s’évanouir, mais malgré tous ces phénomènes alarmants, le lac demeure faute de mieux, source de vie jusqu’à ce que la mort rattrape sournoisement l’un d’entres eux.